🟣 Article 4 – SĂ©rie La traversĂ©e du doute- Qui porte quoi ?


Depuis l’atelier prĂ©cĂ©dent, les regards ont changĂ©. Mais dans le flou, les projections rĂ©apparaissent. Claire invite l’équipe Ă  se demander : qui porte quoi ici — en silence, en colĂšre, en loyautĂ© ? Et si nommer, c’était dĂ©jĂ  allĂ©ger ?

La salle s’anime.
Depuis l’atelier de cartographie, les tensions sont moins glacĂ©es, mais une forme de fĂ©brilitĂ© s’est installĂ©e.

Certains prennent la parole plus vite.
D’autres s’agitent dans l’ombre : “on va lancer un sondage”, “on pourrait faire un atelier rĂ©trospective”, “il faut qu’on avance”.
Claire les regarde faire.
Elle sent que quelque chose se réorganise, mais à toute vitesse, sans ancrage.

Elle observe cette accélération soudaine.
Et elle pose une question, simple :

— Qui porte quoi, ici ? Et pour qui ?


Le flou fabrique des rÎles par défaut

Le silence revient.
Puis quelques phrases tombent :

“Moi je ne porte rien, je suis juste là.”
“C’est toujours les mĂȘmes qui prennent.”
“On ne sait mĂȘme plus ce qui relĂšve de notre responsabilitĂ© ou pas.”
“C’est à toi, Claire, de cadrer.”

Claire ne réagit pas tout de suite.

Elle voit ce que ce moment révÚle :
dans l’incertitude, le collectif cherche un porteur symbolique.
Et quand il ne le trouve pas
 il se met Ă  dĂ©signer. À charger. À diviser.


Accompagner le doute en collectif, c’est aussi poser la question de la responsabilitĂ©

Mais pas au sens du coupable, ni mĂȘme de la fonction.

Claire propose un autre regard.

— Et si chacun notait sur une feuille ce qu’il porte rĂ©ellement ici ?
Une tùche. Une attente. Une émotion. Une loyauté.
Juste ça. Ce que vous portez, que les autres ne voient peut-ĂȘtre pas.

Un temps s’installe. Chacun Ă©crit.
Puis lit Ă  voix haute.

Il y a :

  • “le projet qu’on m’a imposĂ© mais que je veux faire tenir”,
  • “le malaise que j’ai depuis la fusion”,
  • “le lien avec une collĂšgue absente mais qui compte encore”,
  • “la peur de dire que je ne comprends plus rien”.

Personne ne rit.
Il n’y a pas d’ironie dans la piùce.
Juste des charges humaines qui s’expriment.


L’espace d’équipe devient un espace d’allĂšgement

Un homme lĂšve les yeux :

— Je crois que j’étais en colĂšre depuis des mois, mais je ne savais plus pourquoi. LĂ , ça revient.

Une femme ajoute :

— J’ai cru que je devais tenir pour tout le monde. Mais en fait
 personne ne me l’a demandĂ©.

Ce jour-là, personne ne propose de plan d’action.
Mais pour la premiÚre fois, le poids est partagé.


Qui porte quoi ? Ce n’est pas une question d’organigramme.

C’est une question de reconnaissance mutuelle.
Et parfois, elle suffit à redonner de l’air.


Une question pour vous, en collectif :

Ce que vous portez, est-ce visible ?
Et savez-vous ce que les autres portent, derriĂšre leurs rĂŽles ?


Ce texte fait partie de la série La traversée du doute, en résonance avec la sortie prochaine du livre Le Gardien des Voix.
Un guide pour celles et ceux qui accompagnent sans imposer, et gardent l’espace vivant quand plus rien ne semble tenir.