Coach Produit : 10 exercices systémiques produit pour réincarner l’écoute de vos clients- Article 6

Ce matin-là, Claire est arrivée en avance. Elle a posé son ordinateur, regardé déjà prêt pour la sprint review, puis s’est tournée vers moi :

Tout est prêt…mais on n’a pas parlé de pourquoi on fait ça!

Claire

Quelques minutes plus tard, la cérémonie commençait. Les slides défilaient, les indicateurs étaient au vert, la démo fluide. Les phrases habituelles s’enchaînaient : “Sprint réussi”, “points livrés”, “déploiement effectué”. Tout semblait parfait.

Et pourtant, la remarque de Claire restait en arrière-plan. Pas un mot sur le client, pas une question sur ce qui avait vraiment changé pour lui. Dans cette salle, les habitudes avaient pris le dessus. Le sprint planning était bien rodée, chacun s’exprimait. Et, le produit ressemblait davantage à la description d’une ligne de production qu’une réponse vivante à des besoins réels.

Dans l’article précédent, je parlais du rôle du coach produit à l’heure de la surabondance : ralentir, écouter, ouvrir des espaces où le sens peut se dire.
Mais sur le terrain, ces espaces sont rares. Ils se heurtent à des environnements produits où l’efficacité a pris le pas sur l’attention.

Avant de changer notre manière d’agir, prenons le temps de regarder ce monde produit tel qu’il est vraiment — ses forces, ses rigidités, ses zones d’aveuglement.
C’est à partir de ce constat que je vous propose aujourd’hui 10 exercices systémiques produit : pour analyser, comprendre et réincarner l’écoute dans vos pratiques de gestion et de pilotage.


Comment est le monde produit aujourd’hui ?

Le monde produit actuel est selon mon regard de Coach produit, pris dans une tension permanente entre rigueur industrielle et promesse d’innovation. D’ailleurs, avec Claire, le Product Manager, nous en avions fait une plaisanterie : “On dirait qu’on veut courir un marathon… sur un tapis roulant.”

Ce monde produit est devenu :


  • Processus en cascade ou frameworks agiles figés, comme si on avait coulé dans le béton des gestes qui devraient rester souples.
  • Outillage massif (Jira, Notion, backlog grooming…) : tout est mesuré, tracé, historisé — parfois au point d’en oublier le sens derrière les chiffres.
  • Gouvernance multi-couches où la décision se dilue. Claire me confiait un jour : “À la fin, on ne sait plus qui a vraiment décidé.”
  • Et Romain de rajouter : “Et Julie, notre cliente, dans tout ça ? Qui décide pour elle ?”
  • Le rythme est celui de la machine, pas toujours celui du marché ou des usages réels.
  • Les rituels se répètent (PI Planning, releases, sprint reviews) au point de devenir automatiques.
  • La feature factory reste la norme : on livre pour livrer. “On coche des cases, mais est-ce qu’on remplit vraiment un besoin ?”, soupire Claire.
  • Question que Romain pose souvent : “Et si on lui demandait à elle – Julie ?”
  • Les produits deviennent parfois des leviers politiques internes ou des vitrines externes, déconnectés des vrais besoins.
  • Les équipes produit se retrouvent instrumentalisées dans des stratégies de branding ou de conformité réglementaire.
  • La valeur d’usage réelle passe après la valeur perçue par la direction ou le marché. Claire me raconte : “Parfois, on dirait qu’on travaille pour la photo du rapport annuel.”
  • Paradoxe : on prétend “faire de l’agile” tout en renforçant des logiques de contrôle industriel.
  • Pour Romain, c’est clair : “L’agilité sans conversation avec le client, c’est juste une autre forme de taylorisme.”
  • Time-to-market réduit, livraisons continues, intégrations automatisées.
  • L’IA générative amplifie cette pression : produire plus, décider plus vite, avec moins de temps pour la réflexion.
  • Le risque est de transformer le produit en simple flux de sortie, plutôt qu’en création de valeur durable.
  • Romain le résume ainsi : “On livre plus vite, mais on oublie plus vite aussi.”


Et les features, dans tout ça ?
Claire parle souvent du piège de la feature factory — ce chef-d’œuvre inconscient de mécanique produit où on pousse des fonctionnalités comme on imprime des tickets : à la chaîne, sans toujours questionner leur sens ou leur valeur .

Une feature, c’est une capacité fonctionnelle livrable, qui permet à un utilisateur d’accomplir quelque chose d’utile pour lui, dans un contexte d’usage réel.

Ce qui distingue un vrai produit d’une feature factory, c’est précisément ce basculement de l’output (livrer pour livrer) vers la valeur (livrer ce qui répond à une intention, mesurée et utile).

En tant que Coach produit, voici ce que je propose

Face à cette réalité, il ne s’agit pas seulement de “ralentir” ou de “faire mieux”.
Il s’agit de changer notre angle de regard, de voir le produit non plus comme un flux de production, mais comme un système vivant, connecté à des énergies, des dépendances, des émotions, des tensions, des opportunités… et ancré dans la réalité de ceux qui l’utilisent.

Je structure mon approche en 5 grandes familles :

  1. Systémiques – Voir le produit comme un écosystème vivant.
  2. Narratifs – Raconter et décoder l’histoire du produit.
  3. Perceptifs – Observer perceptions, biais, émotions.
  4. Stratégiques – Analyser leviers, freins, alignement.
  5. Projection – Anticiper futur, risques, opportunités.

Je te propose ici, 10 exercices systémiques produit pour te relier à ton client et l’incarner dans ton contexte :

  • Pour prendre conscience de ce qui nourrit ou épuise ton produit.
  • Pour voir les alliances invisibles et les dépendances critiques.
  • Pour ramener la dimension humaine et éthique au cœur du pilotage.

Parce qu’au fond, comme le dit souvent Romain :

“Une feature sans client, c’est juste une ligne de code en quête d’une raison d’être.”