Et si l’agilité n’était pas une méthode, mais un geste intérieur ?
Dans les univers les plus verrouillés — conformité, réglementation, sécurité — j’ai vu des personnes retrouver souffle et puissance. Pas grâce à une méthode. Mais grâce à un déplacement du regard.
C’est pourquoi aujourd’hui, je dis ceci :
“L’agilité, c’est transformer chaque jour ce que l’on fait au quotidien en accomplissement.”
Le premier texte de cette chronique sur le doute qui s’installe autour d’une agilité mature et de sa mort présumée, s’inspire de mon expérience dans de Lead Coach, Agile à l’échelle dans des environnements normatifs. Le doute est fécond, le manager est septique et l’équipe désabusée… L’Agilité en environnement réglementé, impossible ?
Le doute avant même que j’intervienne est chevillé au corps des équipes. Le manager engage les tribus car l’entreprise est Agile à l’échelle.
La question se pose : agile, sous contrainte réglementaire, est-ce possible ? Le doute sur l’agilité comme une approche ayant la capacité à transformer l’organisation dans un environnement contraint; culturellement réglementé est légitime.
Faire de l’agilité en environnement réglementaire : une illusion, un doute ?
Avant même le premier mot, le doute est là. Discret, exigeant, presque bienveillant.
Faut-il simplifier pour rendre accessible — ou bien garder le complexe vivant ?
Dans cette entrée en matière, je vous partage ce qui m’habite lorsque je m’apprête à accompagner un collectif. Une tension fondatrice entre confiance, justesse… et pouvoir involontaire.
Un texte pour celles et ceux qui tiennent l’espace sans l’envahir.
Et si la responsabilité réglementaire n’était pas un poids mais une liberté ?
“Pour moi, l’agilité, c’est transformer chaque jour ce que l’on fait au quotidien en accomplissement.”
Cette définition est la mienne. Elle ne vient ni d’un manifeste, ni d’un cadre méthodologique.
Elle m’est venue au fil de l’expérience, au contact des collectifs que j’accompagne depuis des années — souvent en tension, parfois à bout, toujours en mouvement.
Je la revendique aujourd’hui comme boussole : elle éclaire ce que je cherche à ouvrir dans les organisations, même — et surtout — dans les contextes contraints.
L’agilité : au-delà des frameworks
L’agilité est souvent réduite à des outils ou à une méthode de gestion de projet. C’est plus facile à appréhender, à intégrer. C’est comme une caisse à outils ou une boîte de Pandorre que chacun ouvre pour trouver une astuce, un tips pour se sortir de toutes les situations difficiles. Le cadre lui-même est jugé dérrangeant pour celui qui doute et cherche c son chemin Or pour moi, l’agilité n’est pas un cadre, c’est une posture vivante. Un rapport actif au réel.
Définition
L’agilité, c’est transformer chaque jour ce que l’on fait au quotidien en accomplissement.
Cela signifie :
- ne pas attendre que les conditions soient idéales pour agir avec justesse,
- ne pas subir les process, mais retrouver du pouvoir d’interprétation,
- ne pas confondre adaptation et effacement de soi.
Autrement dit : rester vivant dans ce que l’on fait. Même quand tout pousse à l’automatisme.
Agilité et environnement réglementaire : contradiction ?
C’est là que la question devient cruciale.
Comment rester agile quand on travaille dans un univers hyper-normé, audité, documenté jusqu’à l’excès ?
Les milieux réglementés (banques, assurance, santé, énergie…) sont souvent perçus comme hostiles à toute forme d’autonomie. Mais je crois que c’est une fausse opposition.
La clé est ici :
Le cadre réglementaire dit ce qu’il faut faire.
L’agilité travaille sur comment on le fait, ensemble, sans se perdre.
Ce que je vois sur le terrain, c’est que la perte de sens ne vient pas du cadre lui-même, mais de l’interprétation défensive qu’on en fait. On rigidifie au lieu de réfléchir. On surcontrôle au lieu de partager.
Et pourtant… il y a de l’espace.
Trois exemples de terrain où les tensions s’expriment
1. Conformité bancaire – fatigue invisible, parole réouverte
Dans un programme LCB-FT, l’équipe me dit :
“On n’est plus fatigués parce qu’on fait trop. On est fatigués parce qu’on ne sait plus pourquoi on fait.”
Nous avons commencé par réouvrir les espaces de parole : qu’est-ce qui a encore du sens ? Qu’est-ce qui s’automatise à vide ?
En 3 mois, sans changer la réglementation, les réunions sont devenues plus vivantes, les responsabilités clarifiées, les temps de coopération restaurés.
Une juriste me dit alors :
“Je retrouve de la fierté dans ce que je produis. Pas parce que c’est conforme — mais parce que c’est utile.”
2. Assurance – équipe data étouffée, sens réinjecté
Dans un contexte Solvabilité II, l’équipe était bloquée : agile “en apparence”, mais pilotée au jalon.
On a cessé de forcer un faux cadre agile, et introduit une pratique simple : revenir chaque semaine sur la raison d’être du livrable. Pourquoi cette donnée ? Pour qui ? Quelle finalité ?
Une analyste a dit :
“C’est la première fois qu’on relie ce qu’on fait à un besoin réel, pas à une consigne abstraite.”
3. Manager sous injonction contradictoire
Un manager me dit un jour :
“On me demande d’être agile, mais aussi de tout verrouiller. Je ne sais plus quel masque mettre.”
Nous avons travaillé sur la posture. Pas en opposant agilité et contrôle, mais en réouvrant la question de la place du manager : où est-il créateur de lien ? Où peut-il déléguer ? Où peut-il être hôte sans être garant de tout ?
Ce travail n’a pas changé l’organigramme. Il a libéré une posture. Et redonné de la latitude là où il n’y avait plus que de la charge.
Revenir à la définition
“Transformer chaque jour ce que l’on fait au quotidien en accomplissement.”
C’est ça, pour moi, l’agilité dans ces contextes :
- Respirer dans l’étau
- Créer des interstices de liberté dans la norme
- Ressentir encore qu’on est auteur de ce qu’on fait
Ce n’est pas héroïque. C’est un geste éthique. Et souvent, une condition de santé.
Pour aller plus loin
Quelques leviers que j’active souvent dans ces contextes :
- Clarifier ce qui est imposé… et ce qui ne l’est pas
- Redonner du sens aux livrables, pas juste valider des étapes
- Instaurer des boucles de feedback utiles, même micro
- Travailler la posture managériale comme espace d’hospitalité, pas de prescription
- Accepter de distinguer conformité et alignement