Coach produit & IA générative en entreprise: entre promesse et lucidité- Article 2

À l’heure où l’IA générative en entreprise semble pouvoir tout faire, comment garder un regard lucide, stratégique, et profondément humain sur ses usages? Ce deuxième article explore la frontière entre opportunité et illusion, et le rôle du coach produit dans cette zone grise


IA générative en entreprise : l’emballement face à tous les possibles

Chaque jour, de nouveaux cas d’usage émergent. Génération de specs, d’UX flows, de backlog items… automatisation des tests, analyse prédictive, chatbot RH ou assistants commerciaux. L’IA semble tout promettre — gain de temps, productivité, créativité.

Mais cette profusion d’outils et de promesses peut aussi générer un effet inattendu : un brouillage du sens.

Certaines équipes se retrouvent à tester de nombreuses solutions sans toujours en comprendre les fondements. Il ne s’agit pas d’un manque d’implication : les cas d’usage se multiplient à un rythme tel que les repères vacillent. Côté métier, les attentes sont souvent très claires — optimiser un processus, alléger les tâches à faible valeur ajoutée, accélérer une prise de décision. Ces équipes savent ce qu’elles veulent accomplir avec l’IA générative, sans forcément en maîtriser les rouages techniques.

Côté tech, les développeurs doivent composer avec un environnement contraint : sécurité, conformité réglementaire, interopérabilité, architecture IT éclatée… sans oublier leur propre courbe d’apprentissage face aux outils GAI. Le dialogue peut alors se tendre ou se fragmenter : chacun avance avec sa logique, ses priorités, son langage.


Le rôle du coach produit : clarifier, recentrer, questionner

Dans ce tumulte, le coach produit peut une figure d’ancrage face à l’IA générative en entreprise.

  • Il ne s’agit pas de pousser à tout automatiser — mais d’inviter à discerner ce qui mérite encore un regard humain.
  • Dans un processus complet de traitement des données — depuis la collecte jusqu’à l’analyse, en passant par la structuration, l’enrichissement, la restitution ou la génération de contenus — l’IA générative peut accélérer considérablement certaines étapes. Elle permet, par exemple, de formuler des synthèses, de produire des éléments de langage, ou de générer des visualisations intermédiaires à partir de données brutes.
  • Mais cette vitesse d’exécution ne doit pas masquer les points de bascule : là où une décision engage, là où un biais peut s’introduire, là où la qualité d’une interprétation dépend d’un contexte humain.
  • Le rôle du coach produit GENIA est justement de veiller à cet équilibre : laisser l’IA générative alléger les flux quand c’est pertinent, sans déléguer ce qui relève de la compréhension fine, de l’éthique, ou du lien avec le réel.

Le coach produit GENIA (Generative AI) devient un médiateur stratégique. Il aide à faire émerger les vrais besoins derrière les demandes, relie les attentes métier aux réalités techniques, et facilite un langage commun. Il ne s’agit pas simplement de “traduire” mais de créer des espaces de convergence : là où l’intention, la faisabilité et le sens peuvent coexister.

Ce rôle permet d’éviter l’écueil d’une fascination technique ou d’une automatisation déconnectée. Il remet en lien : le problème à résoudre, les usages réels, et l’impact humain. Là où les promesses abondent, il réintroduit de la clarté — et parfois du doute fertile — pour que l’IA générative reste un levier au service d’un projet, et non une fin en soi.

Ce rôle repose sur une posture active de questionnement stratégique :

Un produit “utile” ne se mesure plus uniquement à sa capacité à répondre à une demande.
Avec l’IA générative, la production devient abondante, rapide, voire saturante. L’utilité réelle d’un produit repose donc désormais sur sa capacité à s’inscrire dans un écosystème de sens : répondre à un besoin situé, faciliter une action humaine, renforcer une intention partagée.
C’est aussi un produit qui sait faire gagner du discernement à ses utilisateurs, plutôt que de leur ajouter du bruit.

Pour prolonger avec une expérience vécue
La série Les déambulations de Romain illustre, sur le terrain, ce que signifie tenir une posture de questionnement stratégique en utilisant des KVI pour définir l’impact réel des actions menées.


L’usage juste est un usage qui respecte à la fois le contexte, l’éthique et l’attention humaine.
Face à la massification des interfaces et à la tentation du “tout est possible, tout de suite”, la question devient : pourquoi cet usage ? pour qui ? avec quelle conséquence ?
Un usage juste prend en compte l’impact à long terme, la charge cognitive induite, et la capacité des individus à rester auteurs de leurs choix.

a performance devient toxique lorsqu’elle écrase le sens et la coopération.
Un système trop obsédé par les indicateurs ou les rendements finit par assécher le lien, étouffer la créativité, et épuiser les équipes.
La vraie performance durable est celle qui crée les conditions de l’engagement : clarté du cap, liberté d’agir, reconnaissance du vivant.
Là encore, c’est une affaire de posture : oser ralentir pour mieux décider, écouter pour mieux agir.

Une étude récente de la Harvard Business Review met en lumière une réalité paradoxale : si l’IA générative accroît la productivité, elle peut simultanément diminuer la motivation intrinsèque des collaborateurs. »

👉 Lire l’article : « Research: Gen AI Makes People More Productive—and Less Motivated » – HBR


Des repères pour ne pas se perdre dans l’automatisation

Voici quelques repères que je partage souvent en accompagnement, pour favoriser un usage plus conscient et aligné de l’IA générative.

🔹 Revenir à l’intention produit

Quel problème voulons-nous vraiment résoudre ? Derrière chaque automatisation se cache une décision sur ce que l’on valorise. L’intention produit n’est pas un “livrable”, c’est une boussole.

🔹 Identifier les zones critiques d’impact humain

Certaines étapes du parcours client, du processus RH ou de la relation de service ne gagnent rien à être automatisées — ou pire, risquent d’appauvrir la qualité de l’expérience. L’IA peut alors devenir un filtre, un écran. Savoir où s’arrêter est une compétence à part entière.

🔹 Travailler les prompts comme des scénarios d’usage

Avec l’IA générative, la qualité de l’input devient stratégique. Un prompt mal posé peut induire des erreurs de logique, de ton, ou de sens. En travaillant les prompts comme des objets de design, on remet de l’intelligence dans la conversation homme-machine.

🔹 Mettre l’éthique en dialogue

Il ne s’agit pas d’ajouter un contrôle en bout de chaîne. L’éthique est un fil conducteur de la conception produit. Elle permet de poser les bonnes questions : Qui cela sert ? Que cela renforce-t-il ? Que cela fragilise-t-il ?

Retour d’expérience : Apprendre autrement chez Al

« On n’avait pas besoin d’un nouvel outil. On avait besoin de comprendre pourquoi on faisait ce qu’on faisait. »

Quand j’interviens chez Al, le projet semble clair : moderniser les offres autour du financement de véhicules. IA, automatisation, UX fluide… tous les mots-clés sont là. Mais sur le terrain, ce sont d’autres enjeux qui émergent.

Dans un atelier d’alignement, une responsable produit s’arrête soudain :

“On parle tous les jours de parcours client, mais est-ce qu’on sait seulement ce que le client vit quand sa voiture tombe en panne à 7h du matin, en allant déposer ses enfants ?”

Ce jour-là, on ne travaille pas sur le backlog. On travaille sur l’écoute. Sur l’empathie. Sur les moments de bascule.

C’est dans cet espace que l’IA entre en scène — non pas comme un outil de productivité, mais comme un amplificateur d’attention.
Un modèle nous aide à analyser des milliers de tickets SAV. Non pas pour standardiser, mais pour repérer les signaux faibles : les non-dits, les frustrations récurrentes, les zones aveugles du parcours client.

Le rôle du coach produit, dans ce contexte, prend tout son sens :

  • soutenir une posture d’apprentissage,
  • relier l’infrastructure technologique au vécu client,
  • redonner du sens aux “petits” moments — ceux qui tissent la fidélité, la confiance, et la réputation.


Ne pas confondre usage et illusion

Un bon usage de l’IA générative ne fait pas oublier l’intelligence humaine. Il la prolonge. Un coach produit attentif s’assure que :

  • les promesses ne masquent pas les dettes techniques, ni les déficit d’alignement
  • l’automatisation ne dégrade pas l’autonomie,
  • et que l’innovation reste au service d’une vision partagée, pas d’une fascination technique.

Pour aller plus loin

→ Lire l’article 1 : Coach produit & IA générative : agir, relier, transformer
→ Explorer la série La traversée du doute sur la transformation humaine dans un monde qui s’accélère
→ Suivre la publication du 3e article : Du backlog aux conversations : vers une nouvelle écologie de la décision produit ?