Cet article explore comment le conformisme façonne le regard de la société et des individus sur eux-mêmes. Malgré les lois et avancées, les réponses des États restent souvent maladroites face aux crises identitaires. Un changement profond du regard collectif serait de mon point de vue nécessaire pour accueillir la diversité sans exigence de justification.
Pourquoi cet article ?
En tant que femme, écrire sur le conformisme est pour moi un acte personnel, presque intime. Je ressens encore aujourd’hui le poids d’une éducation qui façonne non seulement le regard que la société porte sur nous, mais aussi celui que nous, les femmes, portons sur nous-mêmes. Il m’arrive de buter sur certains mots, de sentir qu’ils sont imprégnés de ce que la société a défini comme « féminin » ou « acceptable » pour une femme.
Cet article, au-delà du thème général du conformisme, est né de ma réflexion sur la manière dont les normes imposées pèsent sur les choix, qu’il s’agisse d’une femme qui revendique l’égalité, d’une victime qui cherche à être entendue, ou d’un jeune en quête de son identité. Malgré les lois, malgré les avancées, je vois à quel point il reste difficile de trouver une posture, une voix qui ne soit pas jugée selon les standards d’un regard sociétal encore marqué par des siècles de conformisme.
C’est avec cette perspective que j’ai voulu écrire cet article, non pas comme une vérité universelle, mais comme une réflexion personnelle. Une manière de poser des mots, en tant que femme, sur ce que le conformisme signifie pour moi, Dominique, dans une société qui cherche encore à équilibrer ses regards pour faire éclore une inclusion sincère.
Conformisme sociétale et réponses maladroites
Depuis toujours, le regard de la société a joué un rôle déterminant dans la manière dont les individus s’acceptent eux-mêmes. Ce regard est une force invisible, parfois oppressante, qui dicte les normes et exige des preuves de conformité ou d’authenticité. Derrière cela se cache un phénomène central : le conformisme sociétal.
Dans ce contexte, les décisions des États pour répondre aux crises identitaires individuelles peuvent être perçues comme des tentatives maladroites d’apaiser ce regard collectif, tout en laissant la structure sous-jacente inchangée.
Définition du conformisme sociétal :
Le conformisme désigne l’attitude d’un individu ou d’un groupe qui adopte les normes, valeurs ou comportements dominants au sein d’une société, souvent par peur du rejet ou pour être accepté. Pour en savoir plus.
Prenons l’exemple actuel de la possibilité pour des jeunes de 16 ans de recourir à des traitements hormonaux afin de transiter vers une identité de genre qui leur correspond. Derrière cette mesure se cache une intention noble : offrir aux personnes en difficulté les moyens de vivre leur vérité intérieure et, surtout, leur permettre de s’accepter à travers un regard social plus tendre.
Mais ce n’est qu’un pansement sur une plaie bien plus profonde, celle d’une société qui peine à accueillir la différence sans demander justification.
Un regard qui demande à être prouvé
Le parallèle avec d’autres luttes sociales est frappant. Autrefois, une femme violée devait prouver qu’elle l’avait vraiment été, comme si son traumatisme dépendait du jugement extérieur pour exister. De même, une femme battue devait fournir des preuves tangibles de sa souffrance pour que sa parole soit crue. Ces exigences sociétales traduisent une méfiance systématique envers l’individu en quête de reconnaissance.
Aujourd’hui, un jeune qui se sent femme doit encore se justifier. Son ressenti doit être validé par des diagnostics, des parcours balisés, et parfois même des autorisations officielles pour exister pleinement dans le genre auquel il s’identifie. Bien que les traitements médicaux ou les soutiens financiers puissent sembler être des avancées, ils n’éliminent pas le regard social jugeant qui pèse encore lourdement sur ces parcours.
Un patch sur une société rigide
Ces mesures, aussi bien intentionnées soient-elles, restent des « patchs ». Elles tentent de réparer un système sans changer la structure de base, celle qui exige encore des preuves pour accepter l’identité, les souffrances ou les choix d’un individu. Le véritable problème réside dans cette rigidité sociétale, dans ce conformisme qui façonne les comportements et bride l’acceptation de soi.
Plutôt que de répondre au cas par cas, il serait peut-être temps de transformer le regard collectif lui-même. Cela nécessite un changement culturel profond : apprendre à accueillir la diversité des expériences humaines sans suspicion, sans justification, et avec une ouverture sincère.
Vers un regard plus intègre
Permettre à un jeune de s’exprimer et de s’accepter est un premier pas, mais il ne suffit pas. Cela revient souvent à dire : « Nous t’aidons parce que tu es en difficulté » plutôt que « Tu es pleinement valable tel que tu es, sans devoir te justifier. » Il faut aller au-delà des gestes institutionnels et envisager une révolution du regard.
Un regard tendre permettrait à chacun, qu’il s’agisse d’une femme victime de violences, d’un jeune en quête de son identité de genre, ou de toute autre personne marginalisée, de se sentir pleinement intégré dans la société. Et cette tendresse ne peut pas venir d’une loi seule, mais d’une transformation collective où l’individu n’est plus une exception à expliquer, mais une richesse à accueillir.
Changer le regard, c’est s’attaquer à la racine du problème. C’est redonner à chacun le droit d’exister sans prouver qu’il mérite de le faire. C’est accepter que l’identité, la souffrance, et le bonheur n’ont pas besoin d’être traduits pour être légitimes. Et c’est, enfin, reconnaître que le conformisme nous éloigne de notre humanité partagée.
En attendant, les lois et les mesures compensatoires continueront d’exister, non comme des solutions définitives, mais comme des réponses temporaires à une société qui met des années à changer
La transformation du collectif commence par l’individu
Si la société doit évoluer pour s’affranchir du conformisme sociétal, cette transformation s’enracine d’abord dans nos chemins individuels. Comme je l’ai évoqué dans Imago Zéro : Ombre et Lumière sur nos Perceptions, chacun de nous porte en lui des filtres invisibles, façonnés par notre éducation et nos expériences. Ces zones d’ombre influencent subtilement notre regard sur nous-mêmes, sur les autres, et sur le monde.
Faire évoluer nos perceptions est une quête, souvent délicate, qui demande du courage et de la bienveillance envers soi-même. C’est un défi, celui de regarder en nous pour comprendre ce qui nous touche, ce qui nous effraie ou ce qui nous échappe encore. Ce chemin, loin d’être parfait, ouvre pourtant des portes : il nous permet d’accueillir la différence avec plus de douceur et d’empathie. En éclairant nos propres parts d’ombre, nous offrons au collectif l’opportunité d’évoluer lui aussi, avec plus de justesse et de tendresse.
Conclusion : un Chemin vers plus de douceur
Changer le regard de la société, c’est une transformation qui s’inscrit dans le temps. Elle commence par des pas hésitants, parfois maladroits, comme les réponses des États face aux crises identitaires. Mais elle s’enracine d’abord dans nos perceptions individuelles, là où réside notre courage de questionner nos filtres et nos certitudes.
Ce chemin est une quête : celle d’un regard plus tendre sur soi et sur les autres, où chaque différence trouve sa place sans avoir à se justifier. Car, finalement, c’est dans cette douceur partagée que le conformisme s’efface, pour laisser place à une humanité plus juste, plus vivante, et plus accueillante.