Manager différemment face à un monde en crise est-ce possible ? A quels enjeux l’entreprise est-elle confrontée ? La transformation managériale est-elle possible ? Quelles pistes s’offrent à nous pour construire sa démarche managériale ?
Le monde contemporain fait face à 5 enjeux majeurs que sont :
- Les changements climatiques
- La croissance de la population et l’aggravation des fractures sociales
- L’environnement et le développement durable
- Les évolutions économiques et géopolitiques
- L’information et de la transition numérique
L’entreprise est le témoin de ces mutations profondes tant sur le plan énergétique, économique, éthique et sociétale. Comment peut-elle faire face à ces enjeux ?
- En quoi la crise du monde concerne-t-elle l’entreprise ? Comment l’organisation managériale peut-elle être responsable ?
- Que faire pour guider le manager dans la bonne direction (si elle existe)?
- Comment faire sens du monde actuel et participer activement aux transformations de son entreprise tout en accompagnant ses collaborateurs ?
- A quelles résistances sommes nous confrontées ?
- Quelles pistes explorer ?
Comment ce monde en crise est pris en compte en entreprise ?
Environnement et développement durable
La commission européenne challenge l’entreprise dans sa mutation, en les invitant à exposer leur politique environnementale – Responsabilité Sociétale et environnementale dans un guide pratique obligatoire dans lequel elle décrit « l’intégration des préoccupations sociales et environnementales dans ses activités commerciales et ses relations avec les parties prenantes ».
L’entreprise est invité à challenger sa structure organisationnelle, sa structure managériale, ses systèmes d’informations, ses processus métiers, la culture de l’entreprise elle-même, et son rapport au travail et à l’éthique.
Face à sa responsabilité sociétale, l’organisation managériale doit prendre des mesures pour gérer la crise et gérer son impact tant sur le plan environnementale, que sociétale, voir même éthique.
Elle interroge les parties prenantes, les collaborateurs, ses partenaires et ses clients pour intégrer dans son offre de services une réponse responsable tant sur le plan sociétale qu’environnementale.
Information et transition numérique
L’aboutissement de travaux majeurs autour des techniques du numérique montre que l’évolution des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) est liée :
- d’un côté à l’ usage et l’appropriation de ces technologies par l’humain par les humains,
- d’un autre côté au périmètre fonctionnel qu’elles couvrent et à la performance technique qu’elles réalisent au sein des organisations,
- et de leur impact aux quotidiens sur les enjeux sociétaux et environnementaux que l’entreprise tente d’adresser.
Cette vision tridimensionnelle questionne et rend “précaire” la notion même du travail. Nos modes de vie, de pensées, et même notre libre arbitre sont heurtées par ses bouleversements.
Pourquoi prendre le tournant de la transformation managériale ?
Le management a longtemps été basé sur l’idée d’une hiérarchie très verticale. Mais on commence à penser autrement… » Patrice Ras confirme. « Il y a encore des entreprises avec un mode de management très paternaliste, voire basé sur la terreur, témoigne ce consultant en entreprise. Mais à côté de cela, il y a aussi des entreprises très en avance et très ouvertes à de nouvelles réflexions sur le bien-être de leurs salariés. Elles ont aussi compris que des salariés épanouis étaient 30 % plus efficaces… ».
Pour faire face à la crise et aux enjeux qui en découlent
L’exigence d’une meilleure collaboration entre les applications, les processus, les parties prenantes est souvent appelée la composante « sociale » de la transformation numérique.
Les applications sont de plus en intelligentes et intègrent désormais des fonctions d’expériences utilisateurs où les inspirations sont interprétées par le logiciel en vue de simplifier ou d’effectuer directement la tâche pour l’utilisateur.
L’application est ainsi conçue pour regrouper les éléments d’une même chaîne de valeur, faciliter la collaboration entre les personnes et les outils afin d’accomplir de manière transparente pour l’utilisateur des tâches mutuellement partagées.
De la même manière, les organisations se dotent d’API pour faciliter l’interopérabilité des systèmes d’entreprises et évoluent vers une infrastructure numérique plus connectée qui nécessite une modification en profondeur la manière de produire. Le travail est coopératif et intuitif.
Chacun est invité brutalement à prendre conscience de la nature, de notre rapport aux autres, de notre rapport au travail.
Le management est délégataire des décisions de l’entreprise. Il questionne les équipes, comme les parties prenantes sur l’impact des évolutions numériques ou environnementales au quotidien.
Quel en est l’impact sur la structure managériale ?
Le management se retrouve avec de nouvelles responsabilités qui ne sont plus imposés par le métier ou la direction de son entreprise mais par l’environnement technologique, social et économique.
La structure managériale est invitée à rechercher de nouvelles postures pour accompagner ses équipes à innover . Les pratiques de management deviennent collaborative, coopérative.
Le leader est inciter, inviter à challenger l’organisation du travail et à intégrer dans ses pratiques la notion de sens, de missions, et d’impact.
Pour accompagner ses équipes vers plus d’autonomie, manager différemment est un passage obligé.
Alors que faire pour guider le manager dans la bonne direction (si elle existe), faire sens du monde actuel et participer activement aux transformations de son entreprise tout en accompagnant ses collaborateurs ?
Dans mon livre Manager autrement, je décrivais les héritages du passé dans les organisations et les signaux inéluctables au changement comme une invitation à se mettre en action.
L’intraprenant est acteur conscient des changements structurels. Il prend des décisions impactantes qui influe sur le futur de la posture managériale. Sera-t-elle régressive ou évolutive ?
Vous trouverez ci dessous une synthèse actualisée pointant les résistances à la transformation managériale et trois pistes à explorer pour se mettre en chemin, s’ouvrir à une évolution de notre système capitaliste vers un système ouvert, autonome, intrapreneur. Une manière bien sûr de manager différemment!
Quels sont les rôles historiques du chef d’équipe ?
- Commander : Évidemment, dans une approche production, le chef des opérations est là pour maintenir la cadence, inciter à l’augmentation de la production, rappeler les règles et faire respecter la discipline, exactement comme le modèle hiérarchique de l’armée. Basique.
- Planifier : Rien ne doit surprendre la production ni empêcher d’atteindre les quotas prévus par la direction. En suivant les règles de la roue PDCA de la qualité de Deming : il faut commencer par Planifier avant de pouvoir Réaliser, Contrôler et Ajuster. Simple.
- Contrôler : En reprenant la partie « contrôler » de la roue de Deming, la quête du « zéro défaut » s’obtient par un contrôle minutieux du niveau de conformité et des règles établies. Et logiquement, le mieux placé pour contrôler est celui qui a un diplôme supérieur à celui qu’il encadre ou celui qui est lui-même issu du rang et a été récompensé pour ses résultats ? Simple
- Segmenter : Effet logique, la division du travail empêche la collaboration transversale et renforce l’influence du chef. La production étant au centre de l’activité, quelqu’un ayant une compétence précise restera à ce poste pour ne pas risquer de perturber l’organisation. Basique.
Quels sont les principales évolutions de ce rôle ?
Manager différemment consiste à décider de ne plus être un chef exemplaire, rigoureux et responsable des résultats de l’équipe. Mais de créer un environnement où chacun est en mesure de développer son plein potentiel.
L’authenticité, l’émotion ou l’autonomie des employés sont les vecteurs de succès de la transformation managériale.
La transformation managériale ici est un cheminement plus qu’une méthode. C’est un cap à suivre pour aider toute personne disposant des responsabilités d’encadrement à se développer en conscience.
Manager différemment c’est prendre conscience qu’un monde en crise est un paradoxe. Nous vivons vivons désormais dans un monde du « ET » dans lequel :
- chômage ET pénurie des talents coexistent,
- un collaborateur peut être enchanté par son expérience professionnelle ET chercher activement un autre emploi,
- un équilibre de vie privée/pro ET un emploi passionnant sont indissociables
- on souhaite être autonome ET être rassurer sur son avenir par son encadrement.
Quelles sont les résistances à Manager différemment?
Afin d’atteindre l’agilité commerciale, les entreprises cherchent à augmenter leur capacité à fournir des produits et services innovants. Elles recherchent une culture client pertinente et omnicanal afin de s’assurer qu’elles créent les bonnes solutions pour les bons clients au bon moment tout en équilibrant son objectif d’exécution et de production avec son fonctionnement interne.
Cette volonté crée normalement des opportunités d’adapter son management et d’opter pour un leadership durable pour créer les bases d’une entreprise autogérée où les intraprenants (les collaborateurs, les clients et les fournisseurs sont parties prenantes dans l’élaboration du produit formant une organisation harmocratique où s’ expriment pleinement les potentiels. Le travail collectif, la collaboration et l’implication de chacun est vecteur de succès.
Dans ce cadre où tout s’accélère, le manager opérationnel doit dépasser son rôle d’encadrant et participer à cette transformation managériale pour aider ses collaborateurs à faire face au cortège de contraintes, d’inquiétudes, d’espoir et de remise en question qui les accompagnent.
Cependant la cadence de livraison, les objectifs individuels et la quête du pouvoir sont autant de résistances à une évolution des systèmes organisationnels. La dichotomie entre les attentes des managers et les aspirations des collaborateurs freinent la mise en place d’une organisation en réseau interconnecté, organo- intuitive.
Le leader est malmené entre son envie de manager différemment et ses obligations historiques de rendre compte. C’est en ce sens qu’une résistance s’installe, ramenant parfois les managers à revenir à un management autocratique. Bienveillant, cela s’entend.
Trois pistes à explorer pour faire face à un monde en crise
Manager différemment va permettre aux managers d’expérimenter de nouvelles voix. Voici trois pistes pour vous aider à prendre ce cap.
Piste #1 Créer un environnement favorable
La psychologie et la compréhension du comportement humain sont des atouts indéniables pour créer un environnement favorable à l’éclosion de nouveaux modes de production. Cela facilite l’émergence d’une organisation qui s’affranchit des normes et des procédures, pour favoriser la prise de décision rapide, à l’analyse d’une situation complexe dans des délais courts, à résoudre un problème mal posé, à se servir d’une information ambiguë ou incomplète, et bien sûr à gérer avec succès une situation inédite.
Les neurosciences (Arthur Koestler, David Eagleman, Michael Ray, Antonio Damasio…) apportent un fondement scientifique évolutif mais incontestable au rôle de l’intuition dans la création de valeur. Elle libère la créativité par la levée des connexions habituelles ou des contrôles intellectuels et par le glissement vers un équilibre mental plus primitif. Un déclic fulgurant permet au cerveau de tirer des informations à notre insu et donne accès à des éléments inaccessibles par la pensée rationnelle ou déductive. Nos cinq sens construisent notre réalité, l’intuition est un sixième sens, dominé par le subconscient, qui nous ouvre les yeux comme une boussole et qui n’est pas moins valide ni plus faillible que les cinq autres.
RESTE
RESTE dans mon livre est une proposition pour cheminer et construire cet environnement favorable, à l’éclosion de l’intelligence collective, nous devons Ralentir, Ecouter, Soutenir, Transformer, Evoluer- RESTE
Ecouter par Jacques Salomé
Quand je te demande de m’écouter et que tu commences à me donner des conseils, je ne me sens pas entendu.
Quand je te demande de m’écouter et que tu me poses des questions, quand tu argumentes, quand tu tentes de m’expliquer ce que je ressens ou devrais pas ressentir, je me sens agressé.
Quand je te demande de m’écouter et que tu t’empares de ce que je dis pour tenter de résoudre ce que tu crois être mon problème, aussi étrange que cela puisse paraître, je me sens encore plus en perdition.
Quand je te demande ton écoute, je te demande d’être là, au présent, dans cet instant si fragile où je me cherche dans une parole parfois maladroite, inquiétante, injuste ou chaotique. J’ai besoin de ton oreille, de ta tolérance, de ta patience pour me dire au plus difficile ou au plus léger.
Oui. Simplement m’écouter… sans excuse ou accusation, sans dépossession de ma parole.
Écoute, écoute-moi. Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter. Au plus proche de moi. Simplement accueillir ce que je tente de te dire, ce que j’essaie de me dire. Ne m’interromps pas dans mon murmure, n’aie pas peur de mes tâtonnements ou de mes imprécations. Mes contradictions comme mes accusations, aussi injustes soient-elles, sont importantes pour moi.
Par ton écoute je tente de dire ma différence, j’essaie de me faire entendre surtout de moi-même. J’accède ainsi à une parole propre, celle dont j’ai longtemps été dépossédé.
Oh! non je n’ai pas besoin de conseils. Je peux agir par moi-même et aussi me tromper. Je ne suis pas impuissant, parfois démuni, découragé, hésitant, pas toujours impotent.
Si tu veux faire pour moi, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation et peux être renforce ma dépendance.
Quand je me sens écouté, je peux enfin m’entendre.
Quand je me sens écouté, je peux rentrer en reliance. Établir des ponts, des passerelles incertaines entre mon histoire et mes histoires. Relier des événements, des situations, des rencontres ou des émotions pour en faire la trame de mes interrogations. Pour tisser ainsi l’écoute de ma vie.
Oui ton écoute est passionnante. S’il te plaît écoute et entends-moi.
Et si tu veux parler à ton tour, attends juste un instant que je puisse terminer et je t’écouterai à mon tour, mieux, surtout si je me suis senti entendu…
Attribué à Jacques SALOME
Piste #2 co-développer
Le co-développement consiste à donner à chacun l’opportunité d’exprimer ses idées et d’être challenger et accompagner par ses pairs dans leurs mises en œuvre. Ainsi de manière tournante chacun se retrouve acteur, concepteur, promoteur, réalisateur des projets et ainsi construire pas-à-pas les bases d’une organisation réflexive.
Pour établir les bases d’une organisation collective, et co-développer avec son équipe, le manager va devoir renoncer à ses attributs de pouvoir, que beaucoup considèrent comme un acquis social.
Pour cela, manager différemment va nécessiter de comprendre que lorsque les relations et les situations changent il est nécessaire de changer les approches pour faire évoluer la situation.
2- Intégrer les évolutions sociologiques et culturelles, plutôt que de s’enfermer dans sa citadelle.
3- Tordre le cou aux stéréotypes managériaux du passé et à ceux du présent, en premier lieu les expressions commençant par « Les jeunes à présent ne… » , « Les nouvelles générations… » .
4- Maîtriser les bases du management diplomatique et les appliquer. Le management diplomatique est à l’opposé du management martial. Ce dernier a eu ses heures de gloire, inspiré par le discours guerrier face à la concurrence notamment. Il inclut l’art de la concertation, l’art de la décision, l’art de la considération… distinguée et l’art de la maîtrise du temps et des rythmes. Il apparaît de plus en plus que le « manager diplomatique » développe une approche de leader, d’éclaireur, de conseiller, de stratège. Il sait que la seule (vraie) autorité est celle que l’on vous confère, vous concède et vous accorde. Il sait que la patience est la clé de l’urgence.
Piste #3 Prendre le temps
Faire émerger, réhabiliter l’intuition nécessite de prendre le temps… pour méditer, écouter ses sensations, dominer ses émotions, apprendre le calme, ralentir et même s’amuser… Autant dire un luxe que peu d’organisations sont prêtes à offrir à leurs salariés. Pour l’instant… Le management intuitif est une science prometteuse qui invite à reconsidérer l’ensemble de nos organisations comme des systèmes connectés et à explorer tous les champs des possibles.
Manager différemment est une manière de se remettre en question, de revisiter sa posture et ses compétences managériales. C’est une manière de rester dans le coup et de s’adapter à un monde en constante évolution.